Cameroun crise anglophone : comment les guérilleros contrôlent un territoire dans une guérilla - exemple : la guerre d'Indochine
by Daniels Essissima
Le colonel Lacheroy parle :
« Si nous étions assez efficaces le jour, nous n’étions plus les maîtres du territoire la nuit »
« Mes prédécesseurs m’avaient formellement déconseillé de sortir la nuit »
« Dans un premier temps, j’ai regardé mes forces et mes faiblesses et j’ai essayé très vite d’apprendre à mes hommes à sortir la nuit, de façon à ce que peu à peu l’adversaire sache que la nuit ne lui appartenait plus, qu’il n’en est plus le maître et que lui aussi doit se sentir traqué. Je savais que c’était la seule chose à faire mais ce fut dur, très dur… Je vais vous donner un exemple, celui du poste de Trang Bom. Quand j’ai pris mon commandement, je disposais de nombreux petits fortins dont certains étaient tenus par des Vietnamiens. On m’avait dit que le poste de Trang Bom était un des plus solides et un des plus fiables. C’était le dernier grand poste avant que l’on aborde la zone de Saigon. Je m’y suis rendu et je vois un poste magnifique, très bien construit, avec des murs en ciment, des barbelés, des angles de tir bien calculés, une tour au centre comme une sorte de blockhaus, des créneaux, bref une construction imprenable. Quant à la garnison, elle était composée d’une majorité d’hommes du 22e RIC avec quelques supplétifs, tout était parfait. Quinze jours plus tard, on me réveille en pleine nuit, dans mon petit PC à Bien Hôa, avec un télégramme venant de Trang Bom et composé de petites phrases courtes : "Venez vite, ils sont dans la cour !" Immédiatement, je prends un élément de contre-attaque et nous sommes partis dans la nuit. On a mis un temps fou pour arriver parce que tout le long du trajet, le Viêt-Minh avait monté des embuscades, creusé des trous, etc. et que je ne voulais pas perdre tout mon matériel avant d’être sur place, d’autant que mes prédécesseurs m’avaient formellement déconseillé de sortir la nuit. Mais je ne pouvais pas laisser les hommes du poste de Trang Bom dont les derniers mots avaient été un appel au secours. Finalement, on est arrivé lorsque le jour allait se lever et les hommes du Viêt-Minh avaient eu le temps de se replier et de prendre tout ce dont ils avaient besoin. J’ai envoyé immédiatement un élément de poursuite. Nous n’avons pas pu les rattraper mais, se sentant traqués, ils ont lâché tout ce qu’ils avaient pris, même les munitions. À l’intérieur du fort, c’était épouvantable ; je n’imaginais pas qu’on pouvait être cruel à ce point : des cadavres avec des ventres perforés, et je passe sur des détails encore plus atroces. J’ai voulu savoir comment tout cela s’était passé. Avec mon chef du 2e bureau, on a réussi à connaître la vérité. Il y avait une route qui partait de Saigon, qui allait vers l’Est et qui traversait Trang Bom. Cette route avait été complètement détériorée récemment par une petite rivière et les autorités civiles avaient demandé à la garnison un élément de protection pour assurer la sécurité des hommes sur le chantier. Tous les matins, un détachement de Trang Bom accompagnait ainsi les ouvriers qui partaient de là en camions et rentraient avec les soldats le soir. Ce soir là, tout s’était passé comme d’habitude mais tout était faux. Je m’explique : les hommes du Viêt-Minh avaient monté un stratagème sur le chantier. Ils ont pris par surprise l’élément de protection, ont tué quelques ouvriers pour dissuader les autres de réagir et ont changé de tenue en revêtant celles des ouvriers. Ils sont partis dans le camion à l’heure prévue et sont ainsi entrés dans le poste. Le beau ciment n’avait servi à rien. Les "Viêts" en ont tiré une action psychologique immédiate puisque dès le lendemain, tout le monde savait que le poste de Trang Bom était tombé, jusque dans les rangs du plus petit poste, le plus isolé du secteur. Cette histoire a eu une répercussion imprévue. Un mois plus tard, j’apprends que dans un autre de mes petits fortins isolés, qui était près d’une zone rebelle, le moral des hommes était très mauvais. Je décide de m’y rendre. Je rencontre l’adjudant et sa garnison, dont une moitié de supplétifs. Je n’ai pas une mauvaise impression mais je décide d’y passer la nuit. Je m’installe et, une fois la nuit tombée, le cirque commence. Des voix venant de l’extérieur disaient : "ah ! Vous recevez le colonel ! Dites-lui la vérité, on entre chez vous comme dans un moulin." Je demande ce qui se passe. On m’explique que tous les soirs depuis plusieurs semaines, c’est le même scénario. J’ordonne alors à ce que l’on tire au mortier en direction des voix. Mais comme tout est camouflé, les voix reprennent. Je fais doubler les sentinelles, utiliser des fusées éclairantes mais rien n’y fait. La voix reprend et dit : "Vous ne nous croyez pas ? Demandez au chef de poste où est passée sa théière…" Je me tourne vers le chef de poste qui pâlit et me confirme que sa théière a bien disparu depuis quarante-huit heures. Heureusement, j’avais à mes côtés mon officier de 2e bureau qui immédiatement m’assure : "Il y a un mouchard dans le poste et il faut le débusquer !" Pendant que je discute avec le chef de poste à qui je conseille de prendre une permission de longue durée, Imbert s’occupe des hommes. Au petit jour, il me désigne quatre hommes en m’assurant que le traitre se trouvait parmi eux. Nous décidons de les sortir du poste et de les ramener à Bien Hôa pour les interroger. Le lendemain, tout était terminé. Voilà ce qui se passait la nuit, avec cette part de cruauté qui faisait dire aux hommes du Viêt-Minh autour de nous dans le petit poste, avec leur porte-voix : "Vous savez ce qui s’est passé à Trang Bom, voilà ce qui va vous arriver et maintenant vous savez comment vous allez mourir." », Colonel Charles Lacheroy principal promoteur de la doctrine française de la « guerre révolutionnaire ».
Daniels Essissima
by Daniels Essissima
Le colonel Lacheroy parle :
« Si nous étions assez efficaces le jour, nous n’étions plus les maîtres du territoire la nuit »
« Mes prédécesseurs m’avaient formellement déconseillé de sortir la nuit »
« Dans un premier temps, j’ai regardé mes forces et mes faiblesses et j’ai essayé très vite d’apprendre à mes hommes à sortir la nuit, de façon à ce que peu à peu l’adversaire sache que la nuit ne lui appartenait plus, qu’il n’en est plus le maître et que lui aussi doit se sentir traqué. Je savais que c’était la seule chose à faire mais ce fut dur, très dur… Je vais vous donner un exemple, celui du poste de Trang Bom. Quand j’ai pris mon commandement, je disposais de nombreux petits fortins dont certains étaient tenus par des Vietnamiens. On m’avait dit que le poste de Trang Bom était un des plus solides et un des plus fiables. C’était le dernier grand poste avant que l’on aborde la zone de Saigon. Je m’y suis rendu et je vois un poste magnifique, très bien construit, avec des murs en ciment, des barbelés, des angles de tir bien calculés, une tour au centre comme une sorte de blockhaus, des créneaux, bref une construction imprenable. Quant à la garnison, elle était composée d’une majorité d’hommes du 22e RIC avec quelques supplétifs, tout était parfait. Quinze jours plus tard, on me réveille en pleine nuit, dans mon petit PC à Bien Hôa, avec un télégramme venant de Trang Bom et composé de petites phrases courtes : "Venez vite, ils sont dans la cour !" Immédiatement, je prends un élément de contre-attaque et nous sommes partis dans la nuit. On a mis un temps fou pour arriver parce que tout le long du trajet, le Viêt-Minh avait monté des embuscades, creusé des trous, etc. et que je ne voulais pas perdre tout mon matériel avant d’être sur place, d’autant que mes prédécesseurs m’avaient formellement déconseillé de sortir la nuit. Mais je ne pouvais pas laisser les hommes du poste de Trang Bom dont les derniers mots avaient été un appel au secours. Finalement, on est arrivé lorsque le jour allait se lever et les hommes du Viêt-Minh avaient eu le temps de se replier et de prendre tout ce dont ils avaient besoin. J’ai envoyé immédiatement un élément de poursuite. Nous n’avons pas pu les rattraper mais, se sentant traqués, ils ont lâché tout ce qu’ils avaient pris, même les munitions. À l’intérieur du fort, c’était épouvantable ; je n’imaginais pas qu’on pouvait être cruel à ce point : des cadavres avec des ventres perforés, et je passe sur des détails encore plus atroces. J’ai voulu savoir comment tout cela s’était passé. Avec mon chef du 2e bureau, on a réussi à connaître la vérité. Il y avait une route qui partait de Saigon, qui allait vers l’Est et qui traversait Trang Bom. Cette route avait été complètement détériorée récemment par une petite rivière et les autorités civiles avaient demandé à la garnison un élément de protection pour assurer la sécurité des hommes sur le chantier. Tous les matins, un détachement de Trang Bom accompagnait ainsi les ouvriers qui partaient de là en camions et rentraient avec les soldats le soir. Ce soir là, tout s’était passé comme d’habitude mais tout était faux. Je m’explique : les hommes du Viêt-Minh avaient monté un stratagème sur le chantier. Ils ont pris par surprise l’élément de protection, ont tué quelques ouvriers pour dissuader les autres de réagir et ont changé de tenue en revêtant celles des ouvriers. Ils sont partis dans le camion à l’heure prévue et sont ainsi entrés dans le poste. Le beau ciment n’avait servi à rien. Les "Viêts" en ont tiré une action psychologique immédiate puisque dès le lendemain, tout le monde savait que le poste de Trang Bom était tombé, jusque dans les rangs du plus petit poste, le plus isolé du secteur. Cette histoire a eu une répercussion imprévue. Un mois plus tard, j’apprends que dans un autre de mes petits fortins isolés, qui était près d’une zone rebelle, le moral des hommes était très mauvais. Je décide de m’y rendre. Je rencontre l’adjudant et sa garnison, dont une moitié de supplétifs. Je n’ai pas une mauvaise impression mais je décide d’y passer la nuit. Je m’installe et, une fois la nuit tombée, le cirque commence. Des voix venant de l’extérieur disaient : "ah ! Vous recevez le colonel ! Dites-lui la vérité, on entre chez vous comme dans un moulin." Je demande ce qui se passe. On m’explique que tous les soirs depuis plusieurs semaines, c’est le même scénario. J’ordonne alors à ce que l’on tire au mortier en direction des voix. Mais comme tout est camouflé, les voix reprennent. Je fais doubler les sentinelles, utiliser des fusées éclairantes mais rien n’y fait. La voix reprend et dit : "Vous ne nous croyez pas ? Demandez au chef de poste où est passée sa théière…" Je me tourne vers le chef de poste qui pâlit et me confirme que sa théière a bien disparu depuis quarante-huit heures. Heureusement, j’avais à mes côtés mon officier de 2e bureau qui immédiatement m’assure : "Il y a un mouchard dans le poste et il faut le débusquer !" Pendant que je discute avec le chef de poste à qui je conseille de prendre une permission de longue durée, Imbert s’occupe des hommes. Au petit jour, il me désigne quatre hommes en m’assurant que le traitre se trouvait parmi eux. Nous décidons de les sortir du poste et de les ramener à Bien Hôa pour les interroger. Le lendemain, tout était terminé. Voilà ce qui se passait la nuit, avec cette part de cruauté qui faisait dire aux hommes du Viêt-Minh autour de nous dans le petit poste, avec leur porte-voix : "Vous savez ce qui s’est passé à Trang Bom, voilà ce qui va vous arriver et maintenant vous savez comment vous allez mourir." », Colonel Charles Lacheroy principal promoteur de la doctrine française de la « guerre révolutionnaire ».
Daniels Essissima
Cameroun crise anglophone : comment les guérilleros contrôlent un territoire dans une guérilla - exemple : la guerre d'Indochine
by Daniels Essissima
Le colonel Lacheroy parle :
« Si nous étions assez efficaces le jour, nous n’étions plus les maîtres du territoire la nuit »
« Mes prédécesseurs m’avaient formellement déconseillé de sortir la nuit »
« Dans un premier temps, j’ai regardé mes forces et mes faiblesses et j’ai essayé très vite d’apprendre à mes hommes à sortir la nuit, de façon à ce que peu à peu l’adversaire sache que la nuit ne lui appartenait plus, qu’il n’en est plus le maître et que lui aussi doit se sentir traqué. Je savais que c’était la seule chose à faire mais ce fut dur, très dur… Je vais vous donner un exemple, celui du poste de Trang Bom. Quand j’ai pris mon commandement, je disposais de nombreux petits fortins dont certains étaient tenus par des Vietnamiens. On m’avait dit que le poste de Trang Bom était un des plus solides et un des plus fiables. C’était le dernier grand poste avant que l’on aborde la zone de Saigon. Je m’y suis rendu et je vois un poste magnifique, très bien construit, avec des murs en ciment, des barbelés, des angles de tir bien calculés, une tour au centre comme une sorte de blockhaus, des créneaux, bref une construction imprenable. Quant à la garnison, elle était composée d’une majorité d’hommes du 22e RIC avec quelques supplétifs, tout était parfait. Quinze jours plus tard, on me réveille en pleine nuit, dans mon petit PC à Bien Hôa, avec un télégramme venant de Trang Bom et composé de petites phrases courtes : "Venez vite, ils sont dans la cour !" Immédiatement, je prends un élément de contre-attaque et nous sommes partis dans la nuit. On a mis un temps fou pour arriver parce que tout le long du trajet, le Viêt-Minh avait monté des embuscades, creusé des trous, etc. et que je ne voulais pas perdre tout mon matériel avant d’être sur place, d’autant que mes prédécesseurs m’avaient formellement déconseillé de sortir la nuit. Mais je ne pouvais pas laisser les hommes du poste de Trang Bom dont les derniers mots avaient été un appel au secours. Finalement, on est arrivé lorsque le jour allait se lever et les hommes du Viêt-Minh avaient eu le temps de se replier et de prendre tout ce dont ils avaient besoin. J’ai envoyé immédiatement un élément de poursuite. Nous n’avons pas pu les rattraper mais, se sentant traqués, ils ont lâché tout ce qu’ils avaient pris, même les munitions. À l’intérieur du fort, c’était épouvantable ; je n’imaginais pas qu’on pouvait être cruel à ce point : des cadavres avec des ventres perforés, et je passe sur des détails encore plus atroces. J’ai voulu savoir comment tout cela s’était passé. Avec mon chef du 2e bureau, on a réussi à connaître la vérité. Il y avait une route qui partait de Saigon, qui allait vers l’Est et qui traversait Trang Bom. Cette route avait été complètement détériorée récemment par une petite rivière et les autorités civiles avaient demandé à la garnison un élément de protection pour assurer la sécurité des hommes sur le chantier. Tous les matins, un détachement de Trang Bom accompagnait ainsi les ouvriers qui partaient de là en camions et rentraient avec les soldats le soir. Ce soir là, tout s’était passé comme d’habitude mais tout était faux. Je m’explique : les hommes du Viêt-Minh avaient monté un stratagème sur le chantier. Ils ont pris par surprise l’élément de protection, ont tué quelques ouvriers pour dissuader les autres de réagir et ont changé de tenue en revêtant celles des ouvriers. Ils sont partis dans le camion à l’heure prévue et sont ainsi entrés dans le poste. Le beau ciment n’avait servi à rien. Les "Viêts" en ont tiré une action psychologique immédiate puisque dès le lendemain, tout le monde savait que le poste de Trang Bom était tombé, jusque dans les rangs du plus petit poste, le plus isolé du secteur. Cette histoire a eu une répercussion imprévue. Un mois plus tard, j’apprends que dans un autre de mes petits fortins isolés, qui était près d’une zone rebelle, le moral des hommes était très mauvais. Je décide de m’y rendre. Je rencontre l’adjudant et sa garnison, dont une moitié de supplétifs. Je n’ai pas une mauvaise impression mais je décide d’y passer la nuit. Je m’installe et, une fois la nuit tombée, le cirque commence. Des voix venant de l’extérieur disaient : "ah ! Vous recevez le colonel ! Dites-lui la vérité, on entre chez vous comme dans un moulin." Je demande ce qui se passe. On m’explique que tous les soirs depuis plusieurs semaines, c’est le même scénario. J’ordonne alors à ce que l’on tire au mortier en direction des voix. Mais comme tout est camouflé, les voix reprennent. Je fais doubler les sentinelles, utiliser des fusées éclairantes mais rien n’y fait. La voix reprend et dit : "Vous ne nous croyez pas ? Demandez au chef de poste où est passée sa théière…" Je me tourne vers le chef de poste qui pâlit et me confirme que sa théière a bien disparu depuis quarante-huit heures. Heureusement, j’avais à mes côtés mon officier de 2e bureau qui immédiatement m’assure : "Il y a un mouchard dans le poste et il faut le débusquer !" Pendant que je discute avec le chef de poste à qui je conseille de prendre une permission de longue durée, Imbert s’occupe des hommes. Au petit jour, il me désigne quatre hommes en m’assurant que le traitre se trouvait parmi eux. Nous décidons de les sortir du poste et de les ramener à Bien Hôa pour les interroger. Le lendemain, tout était terminé. Voilà ce qui se passait la nuit, avec cette part de cruauté qui faisait dire aux hommes du Viêt-Minh autour de nous dans le petit poste, avec leur porte-voix : "Vous savez ce qui s’est passé à Trang Bom, voilà ce qui va vous arriver et maintenant vous savez comment vous allez mourir." », Colonel Charles Lacheroy principal promoteur de la doctrine française de la « guerre révolutionnaire ».
Daniels Essissima
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